À l’automne 1984, mon épouse Betsy et moi revenions à la maison à Campbell River, en Colombie-Britannique, après avoir été au temple de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours à Seattle. En route, nous nous sommes arrêtés chez la mère de Betsy à Vancouver pour prendre cinq de nos enfants (le sixième étudiait à Rick’s College en Idaho). Avant de prendre le traversier pour l’île de Vancouver, nous avons fait un arrêt au nord de Vancouver pour rendre visite à la tante de Betsy, Irene, et tout s’est bien passé. Nous allions partir lorsqu’Irene a dit à Betsy « Je m’excuse de te critiquer d’avoir tant d’enfants. Tu as l'air d’une adolescente ».

Vêtue d’un chandail rouge, d’un jeans et de chaussures de sport, Betsy avait vraiment l’air d’une adolescente en parfaite santé. Toutefois, alors que nous montions dans notre véhicule pour partir, Betsy a eu une quinte de toux qui m’a donné de grands frissons. Je ne sais trop comment, mais il était clair pour moi que ses épisodes de toux périodiques au cours des derniers mois n’étaient pas seulement dus à la bronchite que le médecin avait diagnostiquée.
Les Écritures apportent un réconfort
Le lundi suivant notre retour, nous avons demandé une deuxième opinion. Le nouveau médecin a immédiatement organisé un rendez-vous pour Betsy à la clinique de cancérologie de Vancouver où on a effectué une biopsie. Ce soir-là, nous sommes restés à Vancouver. J’ai aidé Betsy pour qu’elle soit confortable en ajustant des coussins sur un divan. Puis je suis allé dans la chambre. Plus tard, les pleurs discrets de Betsy m’ont réveillé et je suis allé la rejoindre dans le salon. Je me suis agenouillé près d’elle en lui tenant la main et elle m'a dit : « C’est grave n’est-ce pas? » Je voulais la réconforter, mais je savais qu’elle voulait entendre la vérité. Je lui ai dit que je croyais que c’était grave, mais que nous passerions au travers cette épreuve ensemble.

Plus tard, pendant que j’attendais les résultats de la biopsie dans le couloir de la clinique de cancérologie, j’ai lu les paroles d’Ésaïe dans le Livre de Mormon : « Quelques instants je t’avais abandonnée, mais avec une grande affection je t’accueillerai ; Dans un instant de colère, je t’avais un moment dérobé ma face, mais avec un amour éternel j’aurai compassion de toi, dit ton Rédempteur, le Seigneur » (3 Néphi 22:7-8). Bien sûr, Ésaïe parlait d’Israël, mais je sentais que ces paroles étaient pour moi et je savais que le diagnostic serait un cancer des poumons.
Devant l’adversité, nous nous tournons vers le temple
Au cours des mois de traitement suivants, elle semblait prendre du mieux, mais le cancer s’est répandu et elle est entrée en phase terminale. Par la suite, elle a eu besoin d’oxygène alors nous avons installé une grosse bonbonne dans notre chambre afin de remplir au besoin une petite bouteille portable. Huit mois après le diagnostic, son état de santé s’était grandement détérioré, mais elle insistait quand même pour venir à l’église. Un Dimanche, le principal sujet de conversation était le voyage au temple de la branche et le scellement d’un couple qui s’était marié civilement un an plus tôt. Betsy s’est inscrite pour le voyage. De retour à la maison, j’ai remis en question sa décision, mais elle m’a répondu que son plus cher désir était d’aller au temple une dernière fois.

Plus tard ce jour-là, Betsy s’est effondrée et je l’ai amenée à l’hôpital. La première chose qu’elle a dite lorsqu’elle a vu son médecin (qui n’était pas membre de l’Église) c’est : « Je participe à un voyage au temple jeudi ». Il a demandé des détails et lorsque je lui ai expliqué que le temple était à Bellevue dans l’État de Washington, que c’était un voyage de sept heures et qu’il fallait prendre le traversier, il a immédiatement désapprouvé et j’étais d’accord avec lui, mais Betsy a insisté « Faites ce que vous avez à faire, docteur, mais je vais au temple. »
Le lendemain, j’ai téléphoné à la frontière canado-américaine pour savoir s’il était permis de franchir la frontière avec une grosse bombonne d’oxygène et on m’a dit que c’était possible. J’ai aussi téléphoné au temple à propos de notre visite prochaine et on m’a dit qu’on ferait tout pour répondre aux besoins de Betsy. Je suis ensuite allé à l’hôpital où Betsy avait convaincu son médecin de drainer une fois de plus ses poumons pour lui permettre de respirer du mieux possible. Cette procédure est effectuée en insérant une aiguille dans le dos du patient jusqu’à ses poumons pour drainer le fluide qui s’y était accumulé. Cette procédure a été faite le mardi et elle a eu son congé de l’hôpital le mercredi.

Le temple apporte la paix
Le jeudi, nous sommes partis pour le temple. Le voyage a bien été et lorsque nous sommes arrivés à Bellevue, nous avons pris un motel pour deux jours. Tôt le vendredi matin, nous sommes allés au temple. Une servante du temple extrêmement attentive a été assignée pour aider Betsy. On a interrompu la session de dotation pour permettre à Betsy, qui était en fauteuil roulant, d’aller remplir la bouteille d’oxygène portable à partir de la grosse bombonne.
Après la session de dotation et la cérémonie de scellement, nous avons dîné à la cafétéria. J’ai suggéré à Betsy de la ramener au motel pour qu’elle se repose, mais elle a insisté pour faire une autre session de dotation. Après cette session, elle a pris part à une séance photo à l’extérieur du temple. Nous étions sur le point de partir lorsque Royden G. Derrick, le président du temple, son épouse Allie et beaucoup de servants du temple ont entouré Betsy pour la remercier de sa visite au temple et pour nous souhaiter un bon voyage de retour à la maison.

Le voyage de retour à la maison le samedi a bien été, mais pendant que je déchargeais la voiture, Betsy a essayé de monter les escaliers menant à notre chambre et s’est effondrée. Je l’ai transportée à l’étage et je l’ai posée tout doucement sur le lit. Elle n’avait plus de force physique, mais sa force spirituelle n’avait jamais été si puissante. « Merci de m’avoir amenée au temple une dernière fois, m’a-t-elle dit, je suis en paix maintenant ».
Le pouvoir du scellement conquerra tout
Deux mois plus tard, notre président de branche, Marvin Mason, et moi lui avons donné une bénédiction de la prêtrise à l’hôpital. Le personnel a apporté deux fauteuils inclinables dans la chambre afin que nous puissions y passer la nuit. Au cours de la nuit, Betsy, dans son sommeil induit par la morphine, a chantonné un verset de « O mon père » (Cantique no 185) et a murmuré, « Ce n’est pas le Tabernacle Choir, mais ça devra faire l’affaire ». Peu de temps après, elle a quitté ce monde.

C’était il y a presque 40 ans. Le Seigneur m’a béni avec une autre merveilleuse épouse qui adore le temple et avec une vie comblée. Cependant le souvenir de la dernière visite de Betsy au temple demeure toujours un des événements les plus spirituels de nos 22 ans de vie commune. D’une certaine façon, je crois que son désir de retourner au temple était sa manière de non seulement se préparer à retourner à son foyer céleste, mais aussi de fortifier sa famille grâce au pouvoir du scellement qu’on y ressent.