J’ai eu l’occasion d’en voir des centaines, elles sont toutes uniques. Leur espérance de vie va de quelques minutes à plusieurs heures. Elles ont été confrontées au vent, aux chaleurs extrêmes, à la pluie et à des froids intenses et y ont survécu, tout comme au douloureux silence, aux bruyants bavardages, à l’anxiété profonde et à l’indifférence nonchalante. Elles ont été décrites de bien des façons : ennuyeuses, vivantes, intenses, intéressantes, ridicules, désuètes et essentielles. Elles ont passé l’épreuve du temps. Ce sont les salles de cours.
Dans mon cas, le cours de mathématique était mon champ de bataille. Je faisais de mon mieux, mais ma salle de cours était rarement pleine. Je ne me souviens pas avoir vu quelqu’un essayer de forcer la porte pour entrer. À l’occasion, je voyais un étudiant curieux arriver en classe un peu essoufflé, mais habituellement c’était plutôt des étudiants avec bien d’autres choses en tête qui préféraient arriver un peu en retard plutôt que de courir d’un bout à l’autre du campus.
Ne vous m’éprenez pas, je ne dis pas que mes étudiants n’étaient pas décidés à apprendre et qu’ils ne faisaient pas de leur mieux et n’y mettaient pas beaucoup d’efforts. C’est ce que faisaient beaucoup d’entre eux et plus encore. Bon nombre de mes étudiants étaient monoparentaux et étudiaient tard dans la nuit après avoir accompli tous leurs devoirs parentaux. Ils se levaient le lendemain pour recommencer encore une fois la même routine. On pouvait voir sur leur visage qu’ils désiraient obtenir une éducation.
Debout devant l’exposition temporaire au Musée canadien des droits de la personne où sont présentées les robes tachées de sang d’une fillette de 15 ans qui avait reçu une balle à la tête simplement parce qu’elle voulait aller à l’école, je réfléchissais à quelques‑uns de mes étudiants. Je me demandais si je savais ce à quoi ils étaient confrontés chaque jour juste pour venir en classe. Non, leur vie n’était pas en danger, mais ils faisaient des sacrifices, peut-être manquaient-ils de nourriture de temps à autres, car le prix des livres et les frais de scolarité vident rapidement un compte bancaire. Cependant, je constatais que j’en savais bien peu sur leurs défis et leurs difficultés. C’est quelque chose que j’aurais dû connaître mieux.
Notre salle de cours dans le monde mortel
Les Écritures parlent brièvement, mais clairement de la façon dont nous devons voir notre vie terrestre. Dans Job, nous pouvons lire à propos de la fondation du monde et de la façon dont nous attendions avec impatience la possibilité d’entrer dans notre salle de cours du monde mortel :
« Où étais-tu quand je fondais la terre? Dis-le si tu as de l’intelligence.
Qui a fixé les dimensions, le sais-tu? Ou qui a étendu sur elle le cordeau?
Sur quoi ses bases sont-elles appuyées? Ou qui en a posé la pierre angulaire,
alors que les étoiles du matin éclataient en chants d’allégresse, et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie? » (Job 38:4-7).
Alors, nous voilà ici, sur la planète terre qui tourne sur son axe et, tout comme d’autres objets célestes, elle tourne autour du soleil, formant ainsi notre système solaire qui orbite en une ellipse autour du centre de la voie lactée, tirée vers Andromède, la galaxie la plus près dans notre groupe local qui, à son tour est poussée à l’intérieur de notre superamas cosmique, Laniakea.
Tout est en mouvement, y compris nous et, malheureusement, bien que nous puissions prendre une pause, cela ne peut être notre but à long terme. Mes étudiants ont souvent fait des commentaires intéressants concernant mes évaluations de cours de fin d’année, mais d’un semestre à un autre, il y en avait un qui revenait souvent. Laissez-moi paraphraser ….RALENTISSEZ. Il peut être difficile d’être constamment en mouvement.
Malala Yousafzai, la jeune fille afghane mentionnée plus haut a survécu à ses blessures et a poursuivi son combat pour que d’autres filles ne se voient pas refuser la chance d’aller à l’école. Ne se voient pas refuser la chance d’entrer dans une salle de cours. Ne se voient pas refuser la chance d’avancer, de progresser, d’accomplir quelque chose.
Beaucoup de personnes croient que la réussite scolaire en mathématique n’est tout simplement pas pour tout le monde, et certaines de ces personnes étaient mes étudiants. Là encore, j’ai fait de mon mieux pour m’assurer que ceux qui s’appliquaient avaient droit à des heures supplémentaires de ma part, à des séances de tutorat, à des laboratoires de maths et, lorsqu’il y a eu des progrès avec la technologie, toutes les notes de cours étaient partagées en ligne. Cependant, il y avait parfois des phobies à l’égard des maths qu’il fallait surmonter.
Je me rappelle un étudiant qui avait bravement expliqué pourquoi et quand il avait commencé à ne plus comprendre les maths. Son enseignante du primaire expliquait des principes de base des mathématiques en utilisant de la monnaie et sa confusion avait été totale lorsqu’elle avait dit qu’une pièce de dix sous, la très mince pièce de dix sous valait deux fois plus que la pièce beaucoup plus grosse de cinq sous. Je suis d’accord qu’utiliser le lien imparfait entre la grosseur d’un sous et sa valeur peut avoir semblé étrange pour un enfant. Dans un monde idéal, une pièce de monnaie plus grosse devrait avoir plus de valeur qu’une pièce de monnaie plus petite.
Leçons de l’école de la vie
Elder Vern P. Stanfill offre une magnifique explication de la façon dont nous devrions voir nos expériences de classe imparfaites. Il raconte une expérience qu’il a eu avec son père pendant la récolte du grain, une période où les grains de blé doivent être séparés de l’ivraie. Même si on avait pris soin de la moissonneuse‑batteuse et qu’on l’avait ajusté à plusieurs reprises, il y avait des limites à son bon fonctionnement. Malgré tous les efforts fournis, tout le bon grain ne pouvait être séparé de l’ivraie et certains de ses bons grains tombaient sur le sol. Cependant, ce grain non récolté, le blé qui n’était pas ramassé, il n’était pas perdu.
Elder Stanfill raconte : « Peu de temps après, quand le temps s’est refroidi en soirée, j’ai vu des milliers d’oiseaux migrateurs, des cygnes, des oies et des canards, descendre dans les champs pour se nourrir pendant leur long voyage vers le sud. Ils mangeaient les grains restant de notre moisson imparfaite. Dieu l’avait rendue parfaite. Et pas un grain n’avait été perdu. » (Vern P. Stanfill, « La moisson imparfaite », Le Liahona, mai 2023).
Elder Dale G. Renlund déclare que la doctrine du Christ (la foi en Jésus-Christ, le repentir, le baptême, le don du Saint‑Esprit et persévérer jusqu’à la fin) n’est pas un événement unique. Il explique :
[Traduction] « Persévérer jusqu’à la fin n’est pas une étape distincte dans la doctrine du Christ, comme si nous accomplissons les quatre premières étapes puis, on s’installe, on se serre les dents et on attend de mourir. Non, persévérer jusqu’à la fin, c’est répéter les étapes de la doctrine du Christ activement et intentionnellement. » (Dale G. Renlund, « Lifelong Conversion », [soirée spirituelle à l’université Brigham Young, 14 septembre 2021], speeches.byu.edu).
Ai-je déjà eu un étudiant parfait? Oui très, très souvent, et certains d’entre eux ont eu d’assez bons résultats scolaires. Je ne considérais pas qu’un étudiant parfait était celui qui répondait correctement à chaque question (bien que j’en ai eu quelques-uns), mais c’était plutôt celui qui pouvait montrer une certaine amélioration, un étudiant qui apprenait tout au long du semestre, qui n’abandonnait pas. Dans toute salle de cours, il y a plus que la matière enseignée. Il le faut. Peu d’entre nous peuvent simplifier une équation polynomiale ou résoudre une équation quadratique lorsque nous quittons l’école secondaire.
Voici des questions tout autant importantes pour un étudiant dans n’importe quelle salle de cours : qu’est-ce qui se passe ici? Quelles autres leçons ou compétences suis-je en train d’apprendre?
Malala Yousafzai savait ce qui se passait dans la salle de cours où elle tentait d’entrer, et nous savons ce qui se passe dans la salle de cours de la vie mortelle où nous sommes. Il ne s’agit pas de dresser une liste de ce que nous avons accompli, des équations que nous sommes en mesure de résoudre, mais il s’agit plutôt de ce que nous sommes en train de devenir et de ce que nous pouvons accomplir. Pour reprendre les paroles de frère Renlund :
[Traduction] « Vivre heureux à jamais, ce n’est pas chose simple, mais ce n’est pas si compliqué non plus. » (« Lifelong Conversion »).
Même de nos jours, nous pouvons devenir ce peuple même qui poussait des cris de joie devant la possibilité de venir en classe. Aucun de nos efforts n’est perdu.