En 1987, un seul appel téléphonique d’un ami a changé ma vie. Il m’a invité à l’accompagner en Israël dans le cadre d’un « voyage de familiarisation » [1] pour les ministres de différentes religions. Cela semblait intrigant et j’ai accepté d’y aller. En descendant de l’avion à Tel Aviv, j’ai immédiatement été frappé par un sentiment de familiarité et, la semaine suivante, je suis tombé amoureux de l’endroit et des gens.
Depuis, je suis allé en Israël 64 fois. Je dirige une fondation charitable pour aider Israël et je travaille également en étroite collaboration avec des dirigeants juifs du monde entier et des dirigeants du gouvernement israélien. Mais aucune de ces expériences ne m’a marqué aussi profondément qu’une simple promenade dans les rues de Jérusalem lors ma toute première visite.
Cette marche n’était pas une promenade ordinaire. Il s’agissait d’une marche retraçant les pas du Christ lors du « voyage le plus solitaire » [2] jamais entrepris. Laissez-moi vous amener avec moi dans cette promenade.
La chambre haute
C’était la saison de la Pâque, centrée sur le sacrifice, la délivrance et le souvenir de Jésus et de ses disciples qui se réunirent dans « une grande chambre haute meublée et préparée. » [3]
Cette pièce (le Cénacle ou la chambre haute) se trouve dans la partie « haute » de Jérusalem et représente le site de la Dernière Cène. L’atmosphère est lourde du poids des événements imminents, alors que Jésus institue la Sainte-Cène, lave les pieds de ses disciples et délivre de profonds enseignements sur l’amour, le service et la venue du Saint-Esprit. Je pense à la lâcheté et à l’hypocrisie de la trahison de Judas et à la question brûlante de « Seigneur, est-ce moi? » Alors que je contemple le caractère sacré de ce moment, des sentiments de gratitude pour l’amour et le sacrifice infinis du Sauveur surgissent dans mon cœur.
Gethsémané
Pour chacun de nous, le chemin de l’alliance mène à l’exaltation, mais il faut inévitablement faire un détour par Gethsémané. Même le Christ n’en a pas été exempté. Le jardin de Gethsémané avait toujours été son refuge. Mais cette nuit-là, son calme et sa sérénité furent remplacés par le désespoir et le découragement.
Nous entrons dans le jardin. L’air respire le parfum des fleurs, mais la lourdeur qui accompagne ce lieu ne fait aucun doute. C’est palpable; la solennité et le chagrin remplissent mon âme.
Je cherche un signe révélateur de son épreuve et je le trouve dans les arbres. Leurs anciennes branches semblent tordues par l’agonie et noueuses à cause de la douleur, alors qu’elles témoignent silencieusement de sa souffrance – souffrances qui « tu ne sais pas combien elles sont atroces, tu ne sais pas combien elles sont extrêmes, oui, tu ne sais pas combien elles sont dures à supporter. » [4]
Je pense à la douleur. Je la traite tous les jours en tant que médecin. J’ai eu cinq calculs rénaux. J’ai vu des femmes pendant l’accouchement travailler si dur que de minuscules gouttes de sang apparaissaient sur leurs joues. Mais sa douleur est insondable; il saigna par tous les pores. La gravité de ses souffrances n’est surpassée que par la profondeur de son amour.
Nous sommes « un peuple acquis »[5], ce qui signifie « acheté »[6]. Nous avons été achetés et payés cette nuit-là avec Son sang, le sang le plus pur jamais versé, avec le prix le plus élevé jamais payé. Désormais, nous lui appartenons et à cause du prix qu’il a payé, il ne me laissera jamais partir et vous non plus.
Trahison et jugement
Trahi par un baiser, il fut conduit « comme un agneau à l’abattoir »[7] à la maison de Caïphe, le grand prêtre. En gravissant ces anciennes marches menant à la maison, je me demandais ce qui m’attendait à l’intérieur. Un donjon se trouve juste en dessous, et le seul moyen d’y entrer ou d’en sortir est de passer par une fosse dans le sol. Je ressentais le froid et j’étais opprimé dans ce donjon et j’avais hâte d’en sortir. Mais il n’y avait aucune échappatoire pour Lui. Il a été littéralement jugé, moqué et flagellé, puis gardé là toute la nuit pour souffrir dans l’un des endroits le plus sombre de la planète, seul.
À l’extérieur, je remarque un espace plat en haut des escaliers où je visualise Pierre assis près du feu, attendant l’arrivée du Maître. Je pense à la loyauté de Pierre envers le Christ : « tu me renieras trois fois »[8] était un commandement, et non une prophétie, pour le protéger ainsi que l’avenir de l’Église naissante du Christ. Jamais plus je ne jugerai Pierre.
Le jour venu, il fut emmené chez Pilate, puis chez Hérode, puis de nouveau chez Pilate. En toute hâte, le jugement fut rendu. Pilate se lava les mains, mais seule « l’eau vive »[9] pouvait nettoyer ces mains, et il venait de condamner cette eau vive à mourir. Je secoue la tête avec vexation.
La place du crâne
Golgotha[10] l’attend. Le crâne rocheux de la taille d’une colline est encore clairement visible, avec son nez proéminent et ses yeux enfoncés, ces yeux creux encore grand ouverts d’horreur en souvenir de ce qui s’y est passé. C’est étrange.
L’endroit situé en face de la colline, lieu de sa crucifixion, était une route secondaire très fréquentée il y a 2000 ans, mais elle est aujourd’hui une station d’autobus routière très animée. Les passants d’autrefois et d’aujourd’hui ne se rendre pas compte de ce qui s’est passé ici il y a si longtemps.
Sur la croix la douleur est revenue; en pleine force. Pour lui, il n’y avait pas de baume en Galaad. Personne ne lui a lavé les pieds; personne n’a séché ses larmes. Il a encore souffert – seul. Même son Père s’est retiré, le laissant boire une dernière gorgée de cette « coupe amère » [11]. Je me sens vide et inutile à la pensée de sa mort.
Le tombeau du jardin
Finalement, c’était fini; son corps fut déposé dans une tombe adjacente à Golgotha. Dans ce jardin, je ressens une paix sans précédent, sanctifiée par l’Esprit du Prince de la Paix, par le passé et maintenant. La beauté et la sérénité des sentiers sinueux et des fleurs parfumées au milieu des arbres usés par le temps remplissent mon âme. De petites alcôves permettent l’intimité des individus ou des groupes, chacun venu chercher le Christ. Sur place, un homme demanda à notre guide britannique ce qui différenciait cette tombe de toutes les autres de la région. Sa réponse fut profonde : « Ce tombeau est vide. » À l’intérieur du tombeau, je pouvais apercevoir précisément où il aurait reposé. Le président Kimball a témoigné : « Je peux voir sa tête ici et ses pieds là…nous sommes allés dans des lieux sacrés auparavant. »[12]
Je ressens une gratitude et une joie immenses à l’idée que « le combat a été gagné par Jésus ». [13] L’Esprit me témoigne avec une étonnante certitude qu’il vit. Je connais cet Esprit. Comme vous, je l’ai ressenti à maintes reprises au temple, chez moi et dans d’innombrables autres circonstances. Il n’est pas nécessaire d’être en Terre Sainte pour ressentir des choses saintes.
Sur la porte du tombeau on peut lire : « Il n’est pas ici. Il est ressuscité. » Et grâce à cela, nous pouvons nous aussi « nous lever de la poussière » [14] et le retrouver Lui et ceux que nous aimons. « Je sais qu’il vit mon Rédempteur, que ces mots réchauffent le cœur» [15]
notes de bas de page:
1 « Voyage de Familiarisation » pour les agents de voyages
2 Jeffrey R. Holland, « Nul n’était avec Lui », Liahona, mai 2009
₃ Marc 14:13,15
₄ Doctrine et Alliances 19:15
5 1 Pierre 2:9
6 1 Pierre 2:9
7 Doctrine et Alliances 135:4 (comme Joseph Smith)
8 Matthieu 26:34
9 Jean 4:10-11
10 Matthieu 27:33 (lieu du crâne)
11 Matthieu 26:39
12 Comme relaté par Daniel Rona, qui était présent
13 « Gethsémané, » par Melanie Hoffman, Droits d’auteur 2016 (publié dans Le Liahona)
14 2 Néphi 1:21
15 « Je sais qu’il vit, mon Rédempteur, » Cantique, no. 73